samedi 10 avril 2010

La société pakistanaise

Les médias français ne parlent du Pakistan que pour le terrorisme. Mais vous imaginez bien que c'est un peu réducteur, que chaque Pakistanais n'a pas prêté allégeance à Ben Laden. Quelle fut l'impression de vos cyclope-trotters ?



La réponse est : contrastée, mais assez pessimiste. Un des points positifs est que, comme les réponses au questionnaire le montrent, les Pakistanais ont globalement l'impression de vivre, Allah merci, dans un pays en paix (la comparaison avec l'Afghanistan voisin doit favoriser cette idée). Ils ne nous parlaient que très peu des attentats, pourtant assez fréquents. Le thème de la guerre en Afghanistan, où les Américains tuent des innocents, revient beaucoup plus fréquemment. Les Pakistanais souffrent de voir des coreligionnaires y mourir. Ils souffrent aussi du fait que les Américains donnent des contrats de reconstruction aux Indiens, et ont l'impression d'être encerclés par leur ennemi juré. On a entendu beaucoup plus de "I hate India" en un mois au Pakistan que de "I hate Pakistan" en six semaines en Inde -et beaucoup considèrent que ceux qui vont faire des attentats en Inde ne font que se battre pour la liberté du Cachemire. Les dépenses militaires mises en jeu pour faire face à ce voisin beaucoup plus puissant pèsent un poids démesuré dans le budget national.

Les Pakistanais souffrent aussi beaucoup de l'incurie de leurs gouvernants. Encore plus qu'en Inde et qu'au Bangladesh, une poignée de familles dirige l'économie et la politique, de génération en génération. Au Bangladesh, la présidente est la fille du leader de l'indépendance, et sa principale opposante est la veuve d'un ancien dictateur. En Inde, Rahul Gandhi est favori pour être le prochain premier ministre, et n'est autre que l'arrière petit-fils de Jawarhal Nehru (lui-même fils d'un dirigeant célèbre), premier premier ministre de l'Inde, le petit-fils d'Indira Gandhi, première ministre assassinée, et le fils de Rajiv Gandhi, lui aussi premier ministre assassiné. Au Pakistan, le président est Ali Asif Zardari, veuf de Benazir Bhutto, ancienne première ministre assassinée, elle-même fille de Zulfiqar Bhutto, premier ministre assassiné. Et le pouvoir économique est à peu près aussi concentré que le pouvoir politique...



En dehors d'expliquer le désespoir de la population face aux politiques, cela montre bien le poids que la famille porte au Pakistan. Contrairement à l'Inde, les mariages se font souvent à l'intérieur de la famille, entre cousins éloignés. Les Pachtounes, eux, ont un système clanique d'échelle un peu plus grande que la famille, mais extrêmement fort. Un vendeur de jus de fruit vole le porte-feuille d'Arnaud ? Ils s'y mettent tous à nous expliquer que c'est pas lui, que si le vendeur est un voleur, ça veut dire qu'ils sont tous des voleurs.
Le non-renouvellement des élites (bien sur corrompues) est un premier motif de pessimisme. Un autre est donc le fait que la position des dirigeants mais aussi du peuple face aux problèmes régionaux n'est pas très constructive : ils n'aiment quand même pas les talibans qui posent des bombes chez eux, supportent pour la plupart l'offensive de l'armée contre leurs bastions du Waziristan (une véritable guerre s'y déroule, depuis de nombreux mois, et mettant en jeu des dizaines de milliers de soldats appuyés par des armes lourdes et de l'aviation, et pour l'instant l'armée gagne des vallées, comme elle a re-gagné la vallée de Swat l'été dernier). Mais ils dédouanent les talibans qui combattent les Américains et les Indiens...Tout ça ne va pas arrêter le terrorisme national et régional (les talibans arrêteront un temps de poser des bombes au Pakistan, se refairont une santé avec l'aide des services secrets, puis recommenceront à se battre contre l'armée quand ils se sentiront à nouveau forts).

Dernier motif d'inquiétude pour le pays : la trop grande diversité ethnique. Les Pachtounes, au Nord-Ouest, sont forts et fiers, virils à l'afghane (où la moitié des Pachtounes vivent). Les Baloutches sont isolés dans le désert, à garder des chèvres et à se lamenter du fait que "leur" gaz naturel parte renflouer les caisses d'Islamabad. Les Punjabis sont trop nombreux et ressemblent à des Indiens. Les Sindhis sont devenus minoritaires dans leur propre province, écrasés par les Mohajirs ("réfugiés"), venus d'Inde s'installer à Karachi lors de la partition en 1947. Karachi, qui accueille aussi de nombreux réfugiés pachtounes, est victime d'affrontements ethniques. De plus, la minorité chiite est souvent victime d'attentats. Heureusement pour eux que les Sikhs et les Hindous ont presque tous fui en 1947...


Mais malgré ça, les Pakistanais aiment leur pays et restent étonnamment gentils avec les étrangers. On dit qu'être dans la merde soude les gens, c'est ce qui doit expliquer leur solidarité jamais vue pour nous.

PS : et pour faire plaisir à Nika qui on s'en doute n'a pas mieux à faire au Pérou que de lire notre blog jusqu'à la dernière ligne, voici à quoi ressemblent nos bolides une fois chargés.



La position normale de déplacement est toutefois un peu moins inclinée que cette pose prise au millième kilomètre pédalé. Pour savoir qui lit vraiment notre blog jusqu'à la dernière ligne, voici une nouvelle énigme. Où se situait ce millième kilomètre ? A gagner cette fois un stage de mosaïque sur montagne (cf photo plus haut) avec les spécialistes de la région de Quetta. GU devrait être motivé.

7 commentaires:

  1. J’ai une petite idée…

    Ça compte ? (à mon avis c’est valide comme réponse)

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  2. très bon billet, vous devriez en publier plus souvent des comme ça !

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  3. Sur la prochaine photo d'Arnaud, tu lui demanderas de remonter un peu le short pour voir la marque du maillot...
    Vous avez pris des belles couleurs, ça fait plaisir à voir !
    Je plussoie la vieille Varrode pour finir ;-)

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  4. A biste de naz le 1000ème km devrait se situer au Pakistan lors de l'étape point 39 à 40 longue de 200kms faite en 2 jours, certainement le 16 mars et 76.7 kms après Muzaffargarh, darré eth caillaou.
    GU

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  5. J'avoue que j'ai pas lu jusqu'à la dernière ligne (pas encore), mais j'ai regardé les photos! vous êtes bien bronzés! On pourrait faire une compète, meme si mes jambes ressemblent plutot à une montagne russe maintenant à cause des gentils moustiques de la région.

    pour le 1000ème km, no se !

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  6. Pour le 100ème, même idée qu'Amic mais en plus profond et plus moustachu... Bonne route iranienne !

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  7. Bon aller je me lance.
    En France, comme chez les paki, la "trop grande diversité ethnique" est elle un probleme?

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