Il n'est pas si facile de comprendre une société en deux mois, et encore plus difficile de la coucher sur l'écran en quelques paragraphes. La tâche est d'autant plus ardue si, comme en Iran, les diversités régionales sont très marquées. Seule la moitié des Iraniens sont persans, même si l'école a fait que tous parlent le persan. Les autres sont des Azéris, Kurdes ou Loris du Nord-Ouest, ou des Arabes ou des Baloutches du Sud, sans parler des nombreux immigrés afghans (pour ne parler que des minorités que l'on a pu croiser). Les Persans se sentent par ailleurs un peu supérieurs aux autres, pour deux raisons principales.
Tout d'abord, ils sont en moyenne plus riches. Ne croyez pas que l'Iran est un pays sous-développé, les adultes ont des voitures, et les jeunes arborent des jeans Armani sur leurs scooters.
L'autre raison de se sentir supérieur est plus historique. Les Persans sont descendants de nombreux empires historiques, et en sont fiers -alors que les autres sont plus ruraux, du désert ou des montagnes. En arrivant, il a été surprenant d'entendre les Iraniens nous parler vite en persan, comme s'ils estimaient que, en Iran, tout le monde se doit de le comprendre.
Nombreux aussi ont été ceux qui se lamentaient de la chute de l'Iran, auparavant un empire dominant, et maintenant une simple puissance régionale. Bien sûr, c'est majoritairement un argument employé contre le régime islamique. Il était assez étonnant de voir que progressisme libéral anti-régime se mariait souvent avec ultra-nationalisme. Au point qu'en ville, il arrivait assez souvent d'entendre des louanges d'Hitler, champion du nationalisme, héros de la cause aryenne -"Iran" vient du mot "Aryen". Ces nationalistes iraniens se lamentaient encore de l'invasion arabe d'il y a 1400 ans, et se "vengeaient" en portant des pendentifs à l'effigie d'Ahura Mazda, dieu du zoroastrianisme (religion de l'état pré-musulman). Bush est d'ailleurs plus populaire qu'Obama, vu comme trop mou.
D'un autre côté, il existe encore un assez fort soutien à Ahmadinejad et au régime en général, surtout dans les régions rurales. Ahmadinejad est vu comme un homme du peuple, suffisamment courageux pour défendre l'honneur iranien et musulman en général face aux méchants américains, qui tuent leurs coreligionaires en Afghanistan et en Palestine (via leurs alliés israéliens).
Cette fracture réelle ne parait pas prête à se refermer. En effet, les réformateurs ne soutiennent ni Moussavi ni Karoubi, qui trempent dans le système, et semblent désespérés de toute la classe politique. Ils disent tous ne rien pouvoir faire eux-mêmes, et aimeraient émigrer. Ca ne parait pas être une couverture innocente de leurs activités résistantes, étant donné que nombreux sont ceux qui se targuent de boire de l'alcool...
Un autre aspect de la société iranienne, qui va avec leur amour de la patrie, est qu'il fallait qu'on reparte de leur pays avec la meilleure impression possible. D'où des cadeaux assez fréquents (pâtisseries, nourriture, voire invitations à diner-dormir ou petits souvenirs). De toutes façons, l'Iran est le pays le plus poli du monde, où tout commerçant refuse deux fois d'être payé par pure politesse. On le jure, on a bien insisté que ce n'était pas la peine avant de recevoir nos cadeaux...
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