Ca ne fait guère qu’une petite dizaine de jours que nous arpentons le Bangladesh. Malgré tout le soin que nous mettons à rencontrer les gens, nos avis restent forcément plein de préjugés, teintés du regard du visiteur. Nous allons tout de même vous donner quelques impressions sur la société bangladaise.
Déjà, vous l’aurez compris, il y a beaucoup de monde –c’est la première image d’Epinal sur le Bangladesh. Seuls Monaco, Singapour et Malte sont plus densément peuplés. De plus, les locaux vivent beaucoup dehors, à vendre des petites choses, ou sur le seuil de leur plus riche magasin. Les boui-boui dans lesquels nous mangeons n’ont pas de porte, et une cuisine qui empiète souvent sur la rue. Le trottoir est donc bien plein. La chaussée l’est aussi, grâce aux rickshaws et aux taxis. Tout ça renforce donc l’impression d’un pays qui grouille, qui frémit. Ce n’est pas le cas qu’à Dhaka, mais dans la plupart des villes du pays –villes qui paraissent petites selon nos standards européens, mais qui dépassent allègrement la centaine de milliers d’habitants.
En campagne aussi, difficile de trouver un endroit où en regardant par la fenêtre d’un train, nous ne voyons pas un humain –ils se lavent dehors, ils travaillent aux rizières, ils se déplacent entre villages.
Deuxième image d’Epinal concernant le Bangladesh : les inondations. Etant en saison sèche, nous ne pouvons pas trop juger. Nous avons lu que à la fin de la mousson, 75% des terres sont couvertes d’eau. Il faut comprendre que c’est ce qui permet d’avoir tant de monde dans la pays. Le Gange et le Brahmapoutre charrient des alluvions qui fertilisent les terres. Ce n’est que de temps en temps que les inondations prennent une tournure dramatique, et ils ont pour l’instant un système assez efficace de prévention des cyclones, qui a permis de beaucoup diminuer le nombre de morts.
Le dernier préjugé classique est la pauvreté. Oui, beaucoup d’enfants ne sont pas correctement vêtus. Oui, il y a beaucoup plus de mendiants qu’en Europe. Oui, la plupart des gens ne mangent pas souvent de viande. Mais nous sommes de loin plus sales et moins bien vêtus que la plupart des adultes que nous croisons. Et beaucoup de gens possèdent un téléphone portable, et je n’ai jamais vu autant de magasins d’électronique qu’à Dhaka. Surtout il existe une classe moyenne et supérieure finalement pas si peu nombreuse. Notre regard est biaisé car ce sont eux qui parlent anglais et donc ceux avec qui nous échangeons le plus. Cette classe moyenne souffre de la déconsidération internationale, mais aussi de la corruption et du manque de perspectives d’avenir.
S’ils disent vraiment tous aimer plus que tout leur pays, un certain nombre veut émigrer vers l’Europe ou les Etats-Unis. Certains se rêvent thésards de Cambridge, d’autres sont prêts à accepter n’importe quel petit boulot pour accomplir le rêve. Si d’ailleurs l’un d’entre vous sait comment avoir un permis de travail, nous pourrons répondre de manière plus efficace à bon nombre de questions. Notamment, faut-il savoir obligatoirement parler un peu français ?
Il faut comprendre que ce sont les gens éduqués qui peuvent et veulent émigrer en Occident. Ca prive donc le pays de gens capables de mener son développement, et enrichit forcément nos pays d’accueil. Un article du Monde m’a récemment appris qu’à niveau socio-économique égal, les enfants d’immigrés réussissent mieux que les enfants français de souche, et je comprends pourquoi en voyant la qualité des Bangladais qui veulent immigrer. S’ils accepteront peut-être des emplois peu qualifiés, ils transmettront une culture et une envie de réussir fortes à leurs enfants.Cependant, il existe une alternative d’émigration pour les pauvres, à savoir aller faire ouvrier du bâtiment dans les pays du Golfe ou à Singapour/Malaisie. J’avais une escale à Riyadh, et Arnaud est arrivé de Singapour via Kuala Lumpur, et nos deux vols Riyadh-Dhaka et Kuala Lumpur-Dhaka étaient pleins d’ouvriers peu éduqués rentrant au pays les bras chargés de cadeaux. Ceintures détachées, pause pipi au moment du décollage, tout le monde aux fenêtres avant l’atterissage, les hôtesses ne savaient plus où donner de la tête (sur le vol Air Asia, seules leurs mini-jupes arrivaient à canaliser leur attention, cette feinte ne marchait bien sur pas pour la Saudia Arabian Airways).
Mais les Bangladais aiment leur pays. Ils sont fiers d’être un pays démocratique, au point de se battre à l’université entre partisans des différents camps. Ils sont fiers de ne compter que très peu de talibans. Ils sont fiers de la beauté de leurs femmes.
Ici, peu de femmes portent le voile intégral. Cependant, comme sûrement l’immense majorité des pays où les salaires sont faibles et où donc il est avantageux de faire tout le repas tout seul et balayer avec un vieux balai plutôt que s’acheter des lasagnes toutes faites et des lingettes nouvelles générations à Auchan le samedi, on ne voit pas beaucoup de femmes dans la rue. Certaines étudiantes anglophones viennent nous parler, librement, mais passée la vingtaine, nous n’avons eu que très peu d’échanges avec des dames. En revanche, il ne faut pas croire que ces dernières passent leur vie à allaiter leur nouveau-né de l’année : le taux de natalité est descendu à 2,7 enfants par femme, ce qui, conjugué à un allongement de l’espérance de vie, assure tout de même une belle croissance de population.
Et s’il n’y a pas beaucoup de talibans, ils ont du mal à concevoir que nous pouvons ne pas croire en Dieu. Certains veulent nous convertir à l’Islam, sans succès jusque maintenant. Les minorités religieuses (Hindous, 16%, Bouddhistes et Chrétiens quelque pourcents) donnent l’impression d’être bien intégrées. Durant notre séjour, la petite musulmane Piya avait eu une demi-journée libre dans son école privée catholique pour raison de fête religieuse hindoue.
On peut expliquer cette relative bonne cohabitation islamo-hindoue par le fait que cela fait longtemps qu’ils vivent ensemble. Le Bengale a longtemps été un royaume, avant que les Anglais ne le partagent en deux pour mieux le gouverner. Au moment de la partition entre Inde et Pakistan, un problème s’est posé : comment se débrouiller avec une province majoritairement musulmane, mais à la capitale Calcutta largement hindoue ? lls ont donc uni le Bengale oriental au Pakistan et laissé le Bengale occidental avec l’Inde. La langue parlée au Bangladesh est le « bangla », très proche du bengali de Calcutta. Tout ça étant pas très loin de l’hindi, que j’avais un peu appris avec Bertrand en Inde il y a deux ans. Nous ne sommes capables d’aucune conversation, seulement de faire rire un peu les gens, ou de débrouiller certaines incompréhensions avec des non anglophones.
Nous vous laissons lire consciencieusement les interviews de Bangladais du jour pour mieux comprendre cette société bangladaise.
Place à Calcutta la bengalie hindoue, et à l’Inde dans quelques jours !
Déjà, vous l’aurez compris, il y a beaucoup de monde –c’est la première image d’Epinal sur le Bangladesh. Seuls Monaco, Singapour et Malte sont plus densément peuplés. De plus, les locaux vivent beaucoup dehors, à vendre des petites choses, ou sur le seuil de leur plus riche magasin. Les boui-boui dans lesquels nous mangeons n’ont pas de porte, et une cuisine qui empiète souvent sur la rue. Le trottoir est donc bien plein. La chaussée l’est aussi, grâce aux rickshaws et aux taxis. Tout ça renforce donc l’impression d’un pays qui grouille, qui frémit. Ce n’est pas le cas qu’à Dhaka, mais dans la plupart des villes du pays –villes qui paraissent petites selon nos standards européens, mais qui dépassent allègrement la centaine de milliers d’habitants.
En campagne aussi, difficile de trouver un endroit où en regardant par la fenêtre d’un train, nous ne voyons pas un humain –ils se lavent dehors, ils travaillent aux rizières, ils se déplacent entre villages.
Deuxième image d’Epinal concernant le Bangladesh : les inondations. Etant en saison sèche, nous ne pouvons pas trop juger. Nous avons lu que à la fin de la mousson, 75% des terres sont couvertes d’eau. Il faut comprendre que c’est ce qui permet d’avoir tant de monde dans la pays. Le Gange et le Brahmapoutre charrient des alluvions qui fertilisent les terres. Ce n’est que de temps en temps que les inondations prennent une tournure dramatique, et ils ont pour l’instant un système assez efficace de prévention des cyclones, qui a permis de beaucoup diminuer le nombre de morts.
Le dernier préjugé classique est la pauvreté. Oui, beaucoup d’enfants ne sont pas correctement vêtus. Oui, il y a beaucoup plus de mendiants qu’en Europe. Oui, la plupart des gens ne mangent pas souvent de viande. Mais nous sommes de loin plus sales et moins bien vêtus que la plupart des adultes que nous croisons. Et beaucoup de gens possèdent un téléphone portable, et je n’ai jamais vu autant de magasins d’électronique qu’à Dhaka. Surtout il existe une classe moyenne et supérieure finalement pas si peu nombreuse. Notre regard est biaisé car ce sont eux qui parlent anglais et donc ceux avec qui nous échangeons le plus. Cette classe moyenne souffre de la déconsidération internationale, mais aussi de la corruption et du manque de perspectives d’avenir.
S’ils disent vraiment tous aimer plus que tout leur pays, un certain nombre veut émigrer vers l’Europe ou les Etats-Unis. Certains se rêvent thésards de Cambridge, d’autres sont prêts à accepter n’importe quel petit boulot pour accomplir le rêve. Si d’ailleurs l’un d’entre vous sait comment avoir un permis de travail, nous pourrons répondre de manière plus efficace à bon nombre de questions. Notamment, faut-il savoir obligatoirement parler un peu français ?
Il faut comprendre que ce sont les gens éduqués qui peuvent et veulent émigrer en Occident. Ca prive donc le pays de gens capables de mener son développement, et enrichit forcément nos pays d’accueil. Un article du Monde m’a récemment appris qu’à niveau socio-économique égal, les enfants d’immigrés réussissent mieux que les enfants français de souche, et je comprends pourquoi en voyant la qualité des Bangladais qui veulent immigrer. S’ils accepteront peut-être des emplois peu qualifiés, ils transmettront une culture et une envie de réussir fortes à leurs enfants.Cependant, il existe une alternative d’émigration pour les pauvres, à savoir aller faire ouvrier du bâtiment dans les pays du Golfe ou à Singapour/Malaisie. J’avais une escale à Riyadh, et Arnaud est arrivé de Singapour via Kuala Lumpur, et nos deux vols Riyadh-Dhaka et Kuala Lumpur-Dhaka étaient pleins d’ouvriers peu éduqués rentrant au pays les bras chargés de cadeaux. Ceintures détachées, pause pipi au moment du décollage, tout le monde aux fenêtres avant l’atterissage, les hôtesses ne savaient plus où donner de la tête (sur le vol Air Asia, seules leurs mini-jupes arrivaient à canaliser leur attention, cette feinte ne marchait bien sur pas pour la Saudia Arabian Airways).
Mais les Bangladais aiment leur pays. Ils sont fiers d’être un pays démocratique, au point de se battre à l’université entre partisans des différents camps. Ils sont fiers de ne compter que très peu de talibans. Ils sont fiers de la beauté de leurs femmes.
Ici, peu de femmes portent le voile intégral. Cependant, comme sûrement l’immense majorité des pays où les salaires sont faibles et où donc il est avantageux de faire tout le repas tout seul et balayer avec un vieux balai plutôt que s’acheter des lasagnes toutes faites et des lingettes nouvelles générations à Auchan le samedi, on ne voit pas beaucoup de femmes dans la rue. Certaines étudiantes anglophones viennent nous parler, librement, mais passée la vingtaine, nous n’avons eu que très peu d’échanges avec des dames. En revanche, il ne faut pas croire que ces dernières passent leur vie à allaiter leur nouveau-né de l’année : le taux de natalité est descendu à 2,7 enfants par femme, ce qui, conjugué à un allongement de l’espérance de vie, assure tout de même une belle croissance de population.
Et s’il n’y a pas beaucoup de talibans, ils ont du mal à concevoir que nous pouvons ne pas croire en Dieu. Certains veulent nous convertir à l’Islam, sans succès jusque maintenant. Les minorités religieuses (Hindous, 16%, Bouddhistes et Chrétiens quelque pourcents) donnent l’impression d’être bien intégrées. Durant notre séjour, la petite musulmane Piya avait eu une demi-journée libre dans son école privée catholique pour raison de fête religieuse hindoue.
On peut expliquer cette relative bonne cohabitation islamo-hindoue par le fait que cela fait longtemps qu’ils vivent ensemble. Le Bengale a longtemps été un royaume, avant que les Anglais ne le partagent en deux pour mieux le gouverner. Au moment de la partition entre Inde et Pakistan, un problème s’est posé : comment se débrouiller avec une province majoritairement musulmane, mais à la capitale Calcutta largement hindoue ? lls ont donc uni le Bengale oriental au Pakistan et laissé le Bengale occidental avec l’Inde. La langue parlée au Bangladesh est le « bangla », très proche du bengali de Calcutta. Tout ça étant pas très loin de l’hindi, que j’avais un peu appris avec Bertrand en Inde il y a deux ans. Nous ne sommes capables d’aucune conversation, seulement de faire rire un peu les gens, ou de débrouiller certaines incompréhensions avec des non anglophones.
Nous vous laissons lire consciencieusement les interviews de Bangladais du jour pour mieux comprendre cette société bangladaise.
Place à Calcutta la bengalie hindoue, et à l’Inde dans quelques jours !
Est-ce que le bateau est vraiment utilisé au Bangladesh? Sur la carte google on voit que les routes s'arrètent aux fleuves mais sans trace de pont, c'est seulement qu'on ne peut pas les voir ou bien qu'ils ont des systemes de bacs à chaque franchissement de fleuve? Dans le deuxième cas ça doit drolement rallonger les trajets!
RépondreSupprimerD'ailleurs vous avez pris le bateau pour faire Dhaka-Mongla, c'était pour rigoler ou aussi pour des raison de facilité-rapidité?
Tres bonne question, cher Bertrand.
RépondreSupprimerLes bus font des detours pour passer les rivieres sur les quelques ponts qu'il y a. Et les grandes lignes de trains aussi. Mais on a lu (sans experimenter) que d'autres lignes de train utilisent des ferrys au milieu.
Sinon, le bateau Dhaka-Mongla, c'etait plus pour rigoler que par gain de temps. Ca perds du temps donc par rapport au bus, mais ca gagne pas mal de paysages, de confort et d'argent (c'etait 80 centimes la nuit sur le pont entre Dhaka et Borisal par exemple)